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Poèmes avant le retour

Poèmes extraits du recueil "Bagdad mon amour" de Salah Al Hamdani. Nouvelle édition; 

Editions du Cygne, Paris, 2024 (Poèmes écrits en français)

Couvertur face Bagdad mon amour 2024.jpg

A froid

 

La solitude ressemble à une lampe

Si elle n’éclaire pas tes nuits

il faudra la casser

 

Bien-fondé

 

Accorde à ta flèche

jusqu’au trouble

la gloire de ne tuer personne

Conseil

 

Regarde toujours l’horizon

quand tu as des choses importantes à dire

parce que c’est beau !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le désespoir affronte toujours l’homme dispersé

1

Après toutes ces années d’éloignement, je croyais… comme ce paquebot enraciné au milieu des rochers, comme cette bannière dressée sur la colline... je croyais... oui, peut-être... qu’il y avait une maison dans la ville là-bas.

Après la guerre, quelque part dans une ruelle ou dans le miroir, quelqu’un me fera signe... Une sœur, une morte, le cadavre d’un père, un frère édenté... Des gens m’appelleront par mon prénom... ou bien un inconnu à l’oreille coupée et sans sourire, m’attendra et me dira :

 

« La maison de tes parents n’est pas ici. Il faut aller encore plus loin. »

2

 

Les plis du visage, ces rides suffocantes loin d’une vieillesse sereine, ces années qui baignent

dans un regard contemplant la plaine, fondent en moi comme des étoiles.

J’ai promis de ne livrer à personne ma colère, le langage des cailloux de la montagne, l’Aubrac et le désert... Le voyage, la vie, les mots tranchants, la servitude, le travail et mon amour pour toi. Tout ça vient naturellement d’une rencontre avec l’insupportable souvenir.

Les jours difficiles accompagnent mon attente, tandis que des hommes contrefaits, sans cœur, fouettent, avec d’énormes branches d’olivier, le corps d’une femme qui n’a plus de sourire, de visage, ni de regard pour l’horizon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3

À nouveau l’horizon est revenu comme un défunt enterré un matin d’hiver, avec sa dernière parole intime au vent. Chose étrange, je sens en moi une falaise qui protège ce hasard, le visage familier de ce ciel couchant. À la lueur des réverbères, j’ai pris la main de l’horizon, ton visage dans le mien, je les ai traînés derrière mes vallées intimes. Arrivé à l’orée du bois, au bout de la terre, toujours contre mon corps, je les ai bercés comme une nuit sans sommeil, une lune dans le cœur des steppes. J’ai été heureux, je voulais que, demain, tout recommence comme dans nos songes !

4

Au cours de notre traversée

où nous dessinons tant de fleuves

et de champs gémissants 

nos corps sont ouverts

retenant le désir du passé

 

Dans ma chambre j’ai cueilli à pleine brassée la tempête

et j’ai été celui qui pleurait sa vie

dans le creux du miroir.

 

5

Je redescends à l’intérieur de moi-même. J’ouvre la fenêtre et verrouille le ciel sans nuages, debout, le visage dans le vide. Maintenant je vais pouvoir réfléchir avant de voir à nouveau mes semblables. Avant cette descente en moi-même, l’unique chose que j’ai reçue des autres, est cette possibilité de crever le passé tel un ballon, d’en laisser couler le contenu sur mon corps comme une averse, jusqu’à la noyade de la pensée.

 

Ce sera bientôt l’été là-bas. Il n’y presque plus de nuages sur les toits de la ville, plus d’air frais dans les regards et les palmiers sont abandonnés au mirage.

6

À l’incendie qui avale

à la tombée de l’obscurité

les relents de notre amour

 

Tes yeux et mes blessures se souviennent

de ton regard de femelle

dans ce monde d’homme

quand le soir met à nu la mémoire

face à la solitude d’un arbre

noyé dans le vent.

 

7

 

Vivre à l’envers

vivre accroché

à un coin de papier

au bout d’une ficelle

un fragment de nuage

heurtant la fenêtre.

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