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L’insoumis

Par Anne de COMMINES

Paris, 2014

                      Anne de Commines

http://fr.biobble.com/membres/154/Anne_de_Commines/Page/Biographe-5

       La poésie de Salah Al Hamdani est une lutte permanente contre l’oppression, la prison, les déchirures de la guerre, l’auteur est un résistancialiste. C’est chez lui une faculté d’être au monde et un puissant témoignage d’une mémoire en fragments. Chacune de ses lignes nous oriente vers un horizon sensible où le monde peut sombrer d’un instant à l’autre. Salah Al Hamdani chuchote un ventre en travail ou crie l’infamie.

 

Dans une poésie sensuelle, résonnent les bruits de la guerre et murmurent les gestes de l’amour comme des traces indélébiles. La vie et la mort se croisent dans une nuit qui n’en finit plus, là où la chair est profonde, là où l’aube est invinciblement incantée. D’un bout à l’autre de son œuvre, on lit les crimes, on évoque les morts et les mornes peines qui trouvent un linceul dans notre cœur. L’amour sonne comme une trace dans un rêve de pierre et le tragique donne sa beauté et sa justification esthétique à la douleur. Je le cite : « ton rêve est aussi vaste que solitaire. Souvenir d’un gros soleil en cendre qui remplit le corps. »

En dépit des terribles imperfections du monde, l’auteur reste sujet et gravit les échelles de la lumière.  Aux voix singulières qui s’opposent, Salah Al Hamdani apporte une réponse existentielle puisée au silence énigmatique de l’instant, à son chaos. Dans toutes ces voix basses, l’auteur se reconnaît et en fait une éthique. Il donne à lire la personne humaine en son originelle nudité, pareille à un cri, donnant un visage à l’individualité anéantie par la souffrance et la cruauté. Je le cite : « À présent je dois contredire ma mémoire, et ne plus craindre ce vide où j’aperçois la profondeur de la perte. ».

Face à la menace, Salah Al Hamdani propose des vertiges poétiques et des puissances fécondantes. Pour paraphraser Saint John Perse, l’auteur a le temps pour renaître à cet instant.

Devant la perte du monde et de soi, dans la brisure de l’être, il opère une danse vers l’abime d’un seul et même geste, comme un prolongement de lui-même. Dans une poésie sensitive, Salah Al Hamdani attaque le cuivre d’un réel à graver. Il convertit le cri d’effroi en langue de l’éthique et poétique. Je le cite : « Écrire avec le souffle de la patrie, avec l’argile du palmier libéré, avec les racines de tes pas dans les charniers des pauvres. ».

 

Prisonnier d’un passé qui souffre, d’un exil de l’être, l’auteur a dû apprendre à vivre en écrivant. Pour créer, il faut une privation ou un trou dans le Réel. Son œuvre offre une présence ce vide, comme une vasque, tout en dressant un rempart imaginaire contre l’insoutenable. Salah Al Hamdani écrit à partir de son ombre interne, de cette absence ou de ce manque qui est toutefois constitutif de la parole et du désir humain.

 

Par cette seule voie, il a pu enfin envisager la porte du ciel et approcher la hauteur de ses rêves. Je le cite «  je t’aperçois, l’âme haute où prolifèrent les crépuscules ».

On lit ses livres à voix basse et voix haute, chaque mouvement de lèvres accouche du singulier en son unicité partagée. Sa poésie célèbre la langue de ceux qui n'écrivent pas et la traduit dans une immense lucidité. Salah Al Hamdani pose donc une question fondamentale : le singulier peut‑il être totalisé ?

Anne de COMMINES

                                                 

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